La fausse foi
Le problème avec le christianisme aujourd'hui, est le même qu'avec tout ce qui nous vient d'Orient. Les gens sont devenus tellement peu résistants à la frustration qu'ils ne supportent pas que les autres aient plus qu'eux. Donc, quand une personne dans un groupe se déclare "éveillée", d'autres commencent à se demander si cela ne pourrait pas être aussi leur cas, vu que la différence ne leur saute pas aux yeux, et bientôt les éveillés fleurissent. C'est la même chose avec Dieu. Aujourd'hui, quand une personne au catéchuménat dit qu'elle parle avec Dieu, personne ne va la contrarier. Les autres catéchumènes vont plutôt se dire que c'est probablement leur cas à eux aussi. Tout ça avec la bénédiction du prêtre puisque finalement, ça fait de la pub pour sa boutique. De menteur en menteur, cette maladie s'est répandue comme une traînée de poudre, et aujourd'hui, si on est chrétien sans parler avec Dieu, c'est qu'on n'est pas normal. Dieu n'est-il pas toujours avec nous ? Celui qui ne le voit pas, c'est lui qui a un problème.
Il est convenu d'appeler cela la foi. Mais ça n'est absolument pas de la foi. C'est la prétention d'avoir une vision directe, ce qui est très différent. Personne n'a jamais défini la foi comme la prétention à la vision. La foi à son niveau le plus bas, c'est au contraire de croire sans voir, de faire le pari de Pascal en quelque sorte. Pas de dire qu'on voit quelque chose alors qu'on ne voit rien du tout. Parce que prétendre qu'on voit la lumière quand on est dans le noir, c'est s'interdire définitivement de voir la lumière quand elle apparaîtra, puisqu'on a déjà son idée bien arrêtée de ce qu'elle est.
Malheureusement, cette maladie transmet télépathiquement. On peut le vérifier avec les enfants, mais aussi avec nous-mêmes. La tentation est grande, à un certain point, de se dire qu'on doit bien voir quelque chose puisque tout le monde dit qu'il voit quelque chose. Et si on n'est pas absolument honnête, on tombe, et c'est fichu.
A l'heure actuelle, il est extrêmement difficile de se dire qu'une chose doit exister, qu'elle est fondamentale pour notre vie, et qu'on ne la connaît pas. Comme le disait le philosophe Alain, l'incertitude est pire que la mort certaine. En sorte que la plupart des gens préfèrent choisir le mensonge et donc la morte spirituelle, plutôt qu'une possibilité incertaine de salut. Le problème est d'autant plus grand que très peu de gens connaissent réellement Dieu aujourd'hui, or nous ne pourrons pas le connaître sans nous brancher sur eux. En effet, la connaissance du Dieu personnel, comme beaucoup de choses, est un problème de transmission. C'est-à-dire qu'elle doit avoir été révélée à un moment, et qu'ensuite elle est transmise par ceux qui la détiennent. Sinon, Le Christ n'aurait pas eu besoin de s'incarner, et n'importe qui aurait pu connaître le Dieu personnel depuis des temps sans commencement, et sans transmission d'aucune sorte. Ce que les gens prétendent faire actuellement d'ailleurs.
Nous avons du coup un problème de rapport signal/bruit. Le signal, la véritable connaissance de Dieu, devient de plus en plus faible comparé au bruit ambiant, la prétention générale à cette connaissance. C'est d'autant plus gênant que, d'après le Père Sophrony, la révélation véritable du Dieu personnel, ne se fait pas au début du chemin. Dieu va briller par son absence pendant de longues années, et il va bien falloir s'y résigner.
Il y a quand même une chose qui pourra aider le Dieu personnel à se révéler, c'est notre désir de repentir. En effet, si l'on y songe, le repentir n'a de sens que face à une Personne. Face à un infini impersonnel, il n'y a rien de si grave, ni de très gênant. Face à une fausse conception de Dieu, rien ne sera grave non plus. Si on peint dans sa tête une image de Jésus, en y ajoutant la conception d'une sorte d'Empereur qui serait une bonne poire (c'est à peu près la conception maximale qu'on puisse s'inventer par soi-même), on comprend qu'il n'y ait rien à confesser. Nos faiblesses humaines sont bien normales, et donc pardonnables, il n'y a là rien de mal.
La foi correcte est donc nécessaire pour commencer à se repentir - admettre qu'il y a un Dieu et qu'on ne le connaît pas -, mais il est évident qu'on ne pourra le faire de manière véritablement efficace, que si Dieu est présent à notre esprit. On ne se repent qu'en fonction de ce qu'on perçoit de Dieu, s'inventer des fantômes n'est d'aucune utilité. L'un sera donc le critère et la preuve de l'autre. C'est, du coup, une bonne façon de démasquer le mensonge et d'y voir un peu plus clair autour de nous.