Il me semble qu’il existe deux formes de “salut” et non une seule, le salut “commun” et le salut “particulier”, le salut général et le salut singulier. Le premier est causé par l’intercession d’un saint qui va prier pour une personne de son vivant ou post-mortem (jusqu’à ce qu’elle sorte du “purgatoire”, soit la période qui suit la déconnexion physique de la conscience et du corps) et le second initié par soi.
Arnaud Dumouch parle très bien du cas général en citant l’expérience de Marthe Robin (elle a prié pour de nombreuses âmes qu’elle a véritablement sauvé de l’enfer comme Jacques Flesch condamné à mort pour crime et qui a été proprement illuminé sur la fin de sa vie).
On trouve de nombreux cas qui corroborent cela et confirment cette action particulière des saints dans l’histoire de la mystique. https://www.youtube.com/watch?v=_mX... Jésus a donné un modèle de vie en priant pour toutes les âmes qu’il a croisées sur son chemin de son vivant.
Ensuite, les membres du “corps des saints” ont pris le relais et en fonction des circonstances relatives et contingentes (les rencontres effectives dans le monde physique et spirituelles dans le monde spirituel) ils peuvent sauver telle ou telle personne.
Si l’âme cesse de s’identifier exclusivement à sa part sensitive, irascible et végétative, elle met en action son “intellect agent” qui lui permet de se rapprocher de la nature divine et elle retrouve son intégrité et sa fonction première : entrer en relation et synergie avec dieu. On dira qu’elle est au “paradis” tombée sous de bonnes influences. Si elle tombe sous le régime des passions et des conceptions bornées de la raison, on dira qu’elle verse du côté de l’enfer. Jusqu’à la “séparation définitive” avec les clichés terrestres qu’elle a rencontré de son vivant, elle oscille perpétuellement entre ces deux options et rien n’est gagné.
Mais il me paraît clair que le paradis acquis par le biais de la prière d’autrui est “relatif”, dans la mesure même où il dépend d’autrui, comme un prêt sur gages. Pour devenir permanent, il faudrait que l’âme devienne en quelque sorte son propre prêtre. Est ce possible ?
N’est-elle pas à la fois “prêtre, prophète et roi” comme le dit l’écriture, à l’instar des prêtres de métier, des prophètes qui inspirent les peuples et les “rois” des nations mondaines ?
Réciter la messe (je ne parle pas de consacrer des saints dons qui demande une permission bien entendu mais de l’action au niveau de la parole et de l’esprit) est-il un monopole de quelques uns ou un “droit” que chacun peut prendre ? Le langage n’appartient il pas à tous ? Est-il un privilège de quelques uns ou un bien commun ?
Chaque créature possède l’être en commun. Elle peut devenir donc “cause de soi” (substance) ou “cause par un autre” (attribut et prédicat). Elle n’obtient pas pour autant le salut d’un singulier par elle-même, mais grâce au “mouvement de grâce” pourrait-on dire, activé par le fait de désirer et vouloir être “cause de soi” et pas autre chose.
Il (cause de soi) s’agit du terme le plus honni de la métaphysique auquel on a imputé tous les maux faussement à mon avis. Pourquoi ? Pour quel réel motif ? Je pense que la chose la plus dévalorisée et la plus méprisée a de fortes chances d’être le plus noble si on creuse un peu... N’est ce pas de ce côté qu’il faut chercher et aller tendre l’oreille ?
La parole de Jésus ne s’adresse pas seulement aux âmes, mais aussi aux choses et aux idées qui portent tous la vie. Etre “cause de soi” c’est devenir maître de soi et ne plus dépendre des autres. Les puissances d’un instant (au regard des éons qui s’étalent sur des durées incommensurables) n’ont pas intérêt à favoriser l’autonomie et préfèrent se garder leurs privilèges et leur confort au détriment des autres...
Aussi la créature ne “fait” elle pas son salut par elle-même, mais en disant et affirmant clairement “je suis” dit en même temps que “tu es” et “Il est” puisque l’être est commun. Il y a donc une synergie et une “circumcession” entre le je, le tu et le il qui forment ensemble un “nous”.
Si l’être est seulement infusé par autrui (dans le cas de la prière du saint sur une “materia passiva”), alors il n’est pas cause de lui-même. Mais devenant cause de lui-même (en se prenant en main et en lisant convenablement l’interdit comme un certain inter-dit), il devient tout ensemble prêtre (capable d’engendrer une liturgie dans son âme), roi (capable de maîtriser son esprit, passions et mouvements d’humeur) et prophète (capable de recevoir des inspirations personnelles).
Ainsi il peut recevoir un trésor et éviter l’acrimonie comme tout ressentiment. Si Nietzsche avait reçu et compris cette doctrine, est-ce que sa vie n’aurait pas été changée et transformée ? A la place de voir dans le Christianisme une forme de “morale de faibles”, d’aigris et de superstitieux, n’aurait-il pas constater la puissance d’une doctrine qui permet autant aux “forts” sur la terre qu’au “faibles” de s’en sortir en triomphant de tous les obstacles ?
A côté Zarathoustra risquerait bien de prendre un “coup de vieux” et de pâlir !
Bien sur, ces trois capacités acquises n’ont pas forcément vocation à devenir publiques puisqu’ elles relèvent de l’”église domestique” et des pauvres hères qui ont à peine un nom.
Il y a eu cours de l’histoire beaucoup de pseudo prophètes, voyants, messies et apparitions douteuses. Mais devenir cause de soi demeure pour toujours une possibilité, étant la destination et le terme de chaque personne.