Journal d'un pèlerin - 8/1
19 octobre 2015
Je laisse Saint Paul derrière moi, sans que cela me manque... Le port est tout à côté d'une petite plage de cailloux blancs, où l'eau cristalline prend des merveilleux tons bleus et jade. Avec un peu de soleil, ça serait l'endroit idéal pour une baignade relaxante. C'est incroyable la quantité de poissons qui nagent là, demoiselles, brèmes, seifias et même une sorte de lys qui a sillonné rapidement à la surface. Seuls les moines et leurs bateaux peuvent pêcher dans ces eaux, en sorte qu'il y a une super-abondance de créatures aquatiques.
Arrivé à Grigoriou, j’entre dans le 1er bâtiment portant le signe "Archontariki", encore dans le port, pour constater que son gérant, un type énorme et obèse, l'air d'un barman de basse réputation, ne parle même pas un mot d'anglais, avant d'être jeté dans un dortoir minuscule. Cinq lits sont déjà occupés et il ne reste que les pires de tous, soit entre deux lits soit pile devant l'entrée. Je dépose mon sac à dos, non sans une certaine inquiétude, car il y a un avertissement disant d'être prudent avec les objets de valeur vu qu’il y a des voleurs par ici... que deviendrais-je sans mes barres de protéines ?
À la question de qui parle anglais par ici, le responsable me dit "Père Pavlos". A l'intérieur du monastère, je me trouve dans une autre salle de réception des hôtes, raffinée comme c’était le cas sur les autres lieux, donc je m’assois là, où l'on me sert les coutumiers loukoums et eau. Marius, un grec, la quarantaine, qui parle bien l'anglais, et qui reste pour quelques jours, vient me servir un café et bientôt on établit une bonne conversation. Mais je commence à trouver les choses étranges, quand il me parle de problèmes sur l'activité sexuelle excessive, et qu’il doit prendre des médicaments à cause de cela. Quelque chose sonne faux chez lui... Quoi qu'il en soit, Père Pavlos, malgré que nous ayons parlé un peu sur mes raisons de ma venue ici, veut aussi me jeter dans une chambre bondée. Finalement, avec l'aide de Marius, je me retrouve dans une chambre de 3 lits entièrement pour moi.
Pendant le tour habituel du monastère, pour prendre quelques photos, je suis un petit groupe qui faisait une sorte de reportage, et on se retrouve devant un spectacle inhabituel. Devant les portes nord du monastère, à l'entrée d'un bâtiment presque sans fenêtres, il y a un seau rempli des ossements d'un moine. Le crâne et les tibias sautent aux yeux, brun foncé et noircis, avec la croix et les inscriptions à côté du seau. Ils appartiennent à un moine qui est mort en 2004. Je m’étonne que ça n'ait pas encore été réduit en poussière, après 11 ans sous la terre.
Je suis curieux d'assister à l'office des Vêpres, parce que l'environnement est ici beaucoup plus accueillant, et c’est le premier monastère où je ne trouve pas des travaux de rénovation et d'expansion, et tout le bruit qui vient avec.
Je ne suis pas déçu. Un saint doit rôder par ici. L'élévation des moines et des gens qui assistaient était visible et communicative entre tous. Même les moines en visite, certains d’entre eux vraiment arrogants et pleins de mépris pour tous, semblaient touchés par l'atmosphère. Mais je n’ai pu discerner lequel des vieux moines est le moteur et l'âme du monastère. Plusieurs d'entre eux semblaient avoir déjà un bon niveau, mais peut-être à cause de cette action et intervention de la force sanctifiante. Il se peut même que ce soit un moine qui veut passer inaperçu et qui a une position très faible dans la hiérarchie. Demain, à l'office du soir, je vais vérifier plus attentivement.
Cette surprise, surtout après la déception totale de St.Paul, m'a fait reconsidérer la possibilité d’aller voir les autres monastères. Même s'il est exclu que je devienne moine, je me dis qu'il ne serait pas impossible croiser avec quelqu'un qui serait capable de transmettre de la force spirituelle, et de retourner chez moi avec quelque chose de plus intéressant que des jolis souvenirs.