Journal d'un pèlerin - 12/1
23 octobre, 2015.
Je me lève encore tôt, plein de volonté de pratiquer et d’assister au service du matin. C’est ici, à Iviron, qui je me suis senti enfin participant de cœur aux services religieux, même si je ne comprends pas un seul mot à ce qui est récité ou chanté. Après avoir vénéré les icônes au narthex, une sculpture en bois de Jésus crucifié avec Maria et une autre femme à côté, une icône d'un saint et un autre de la Vierge Marie avec l'enfant Jésus, je parcours le catholicon à la recherche d’une chaise. Dans l'obscurité, avant que les yeux soient habitués à la pénombre des lampes à huile, il est difficile de voir si quelqu'un est déjà assis là ou pas. Parfois, la meilleure preuve ce sont les jambes qui sortent, contrastant avec le sol en marbre blanc. Je trouve finalement la chaise idéale, dans l’eso-narthex, juste en face de l'entrée du temple central et droit devant une icône intéressante JC.
Terminée la courte cérémonie dans le temple central, certains moines se rendent dans une chapelle sur le côté droit de l'eso-narthex, exigue, tandis que la plupart restent dans le narthex. Le PèrePavlos et son groupe de jeunes assistants formaient une chorale qui m'a beaucoup impressionné. Peut-être la qualité de la voix n’est pas la meilleure, mais les cantiques sont chantés avec de l’âme. Je comprends maintenant pourquoi la voix humaine est la seule utilisée dans les services orthodoxes. La voix est produite par des organes vivants et humains, et le corps des chanteurs agit comme une caisse de résonance, amplifiant et modulant les sons produits. Il est donc un véhicule de transmission directe entre les chanteurs et tous ceux qui l'écoutent. Et comme ça on peut transmettre et recevoir des "informations" spécialisées.
J’observe de plus en plus Père Pavlos. Il semble être partout et ne se lasse jamais, malgré son âge avancé. Il est là pour recevoir les pèlerins et répondre à leurs besoins, pour présider aux offices, pour diriger le chœur et encore dans la trapeza. Pendant que tout le monde goûtait la tisane et prenait un peu de pain et des olives, pour casser le jeûne de la nuit, il marchait de table en table, la cruche de thé à la main, parlant à tout le monde et versant du thé à ceux qui demandaient. Il semble être un moine qui occupe une place privilégiée dans la hiérarchie et est respecté par tous, même s’il se comporte comme le serviteur de tous, et il est toujours de bonne humeur. Au repas du vendredi, le seul de la journée, un jour de jeûne, je l'ai regardé discrètement. Et alors qu’il avait seulement grignoté quelques morceaux de brocoli cuits, la seule chose qu’il doit avoir mangée de toute la journée, il semblait plongé dans une componction permanente, mais sans ostentation, comme pour reconnaître sa faiblesse de devoir manger ces légumes le jour où Notre Seigneur avait été crucifié. Jusqu'à présent, il serait le meilleur candidat pour devenir mon père spirituel.
Encore un autre jour de pluie, du matin au soir. J’espère que ça sera mieux demain, parce que je ne suis pas toujours certain quant à la façon de me déplacer vers Karakalou, et à pied, ça fait 6 km de marche. Il n'y a rien à faire au-delà des offices, et j’ai trouvé une belle boutique. Je me décide pour une belle icône de la Portaitissa, avec des reliefs en métal argenté et doré, et des petites incrustations, encadrée en bois. Plus 2 livrets de Père Basile, l’ancien Higoumène, et quelques paquets d'encens.
Au cours de l'office de Vêpres, le Père Jeremias passe par là et me fait signe de le suivre. Nous nous asseyons dans la chapelle des reliques et je répète ma brève histoire, et ce qui m’a fait venir au Mont Athos. C'est un intellectuel, dans le style de Père Ambroise et, comme lui, il occupe une place importante dans la hiérarchie du monastère. Il se montre curieux d'en savoir un peu plus sur ma vie et ne voit aucun problème si je me décide de devenir effectivement moine au Mont Athos. Bien sûr, après avoir traversé les étapes du baptême, d’apprentissage du grec et l'acclimatation au monastère. Comme ils ne font plus de baptêmes, il m'a conseillé d'essayer à Vatopedi. À la fin, il me pointe un livre d’introduction à l'Eglise orthodoxe, The Orthodox Church, de Kallistos Ware.