Journal d'un pèlerin - 18/1
29 octobre 15.
Quelqu'un (le P.Constantin?) a dû demander à l’hôtellerie de ne pas installer d'autres gens dans ma chambre. Et maintenant, je me retrouve avec une salle de 5 lits pour moi tout seul. Mais ce soir, j'ai vu au moins 2 ou 3 personnes qui dormaient dans les lits du couloir, sans aucune intimité. Après la trapeza du matin, j’ai exposé le fait à P.Constantin, qu’il serait bon de parler à l’hôtellerie, mais lui a immédiatement réagi, avec son humeur explosive : «Écoutez-moi, ceci est un monastère ! Les choses sont bien organisées, et on ne doit pas se mêler de ces affaires." Puis il m'a accompagné dans le couloir où j’ai pu me connecter à nouveau à Internet et régulariser ma correspondance accumulée depuis plus de 2 semaines.
Dans le seva de la trapeza, un autre jeune, récemment converti (il était catholique copte) et un californien discutaient, animés, sur les mauvaises influences et les actions miraculeuses. J’ai l'impression que la plupart des moines, et les visiteurs, cherchent la religion comme une sorte de magie «licite» avec certaines formules, et des résultats garantis. Ils sont pleinement convaincus de posséder quelque chose qui est supérieur à tout le reste, et d'être protégés par un «sceau» invisible, qui les rendrait invulnérables aux dangers. Et tous les autres, ceux qui sont «en dehors», n’auraient jamais cet accès privilégié.
L'après-midi, je décide de faire ma promenade habituelle jusqu'à la colline au sud, surmontée par les ruines de l'ancienne École Athonite. Espérant trouver quelque objet appartenant à un ancien moine, mais il n'y avait que des pierres et des herbes. Avant de trouver le chemin, je suis tombé sur un bâtiment où on fait le vin du monastère. Il semblait bien équipé, y compris avec une sorte d'alambics en cuivre. Y font-ils également du cognac ?
Plus je passe du temps ici, plus j’ai l'assurance que ce ne sera pas dans ce monastère que je choisirais de rester. Pendant la trapeza, qui dure déjà plus de 20 minutes, la plupart des moines parlent et rient avec enthousiasme, et n’arrêtent pas de manger. Pas étonnant que les pèlerins finissent par faire de même, quoique ceux-ci sont quand même plus sobres. J’ai également remarqué que, en parallèle avec la disposition des sièges, selon l'ancienneté, depuis la porte d’entrée à la table de l’Higoumène au fond, les plats servis varient également considérablement, en qualité et en diversité. Aujourd'hui par exemple, les moines plus rangés ont été servis, en surplus au menu du jour, avec tous les restes des plats des jours de fête, alors que nous, le groupe du milieu, on nous a servi du riz aux légumes, des yaourts et salades, et ceux qui étaient près de la porte ont eu seulement droit à des spaghettis rechauffés avec fromage râpé... Une telle discrimination ne semble pas exister du tout dans les autres monastères.
P.Constantin me fait de la peine. Il semble vivre dans une tension constante contre l'injustice et contre tous. Après avoir terminé mon seva, je suis allé avec lui à son bureau de reliure. Pendant qu’il coupait des morceaux de tissu épais pour revêtir les couvertures de livres, nous avons parlé de divers sujets. À la fin il m'a montré un «cours» de reliure que lui a envoyé une gentille dame, lui donnant des indications précieuses pour les tâches relativement complexes.