Retour aux origines

Je suis né et j'ai été éduqué au milieu d'une famille catholique moyennement pratiquante, je suis donc passé par les rites habituels du christianisme catholique romain. Mais mon imaginaire n'a jamais été peuplé d'images captivantes, pour moi il s'agissait seulement de faire partie d'une «institution». Comme c'était l'habitude dans ma famille, je devais assister à la messe tous les dimanches. Mais vu que je ne pouvais rien comprendre de ce que le prêtre officiant disait, à cause de ma surdité, je ne pouvais pas rester assis plus de 10 minutes, et j'ai pris l'habitude de circuler lentement à travers toutes les chapelles de l'église, sur les côtés, en observant les statues et les détails décoratifs. Je pense que c'est alors que je suis entré en contact avec une certaine énergie de paix, et dès lors, dans les rares occasions où je visitais une église, ce sentiment n'a jamais cessé de se manifester.

Bien plus tard, autour de l'année 2000, pendant des vacances avec ma femme et d'autres proches, je suis passé par Fatima, et puis une autre révélation est tombée sur moi. J'ai réalisé qu'une énergie intense inondait toute la petite ville, particulièrement dans le lieu central des apparitions. Tout le temps passé dans la chapelle et l'église, à visiter le musée et à nous promener par les rues bondées de gens, j'étais comme plongé dans un rêve, le genre de rêve dans lequel « on flotte dans les nuages ​​», enveloppé et transporté dans un courant de paix, une paix triste mais lumineuse, de couleur blanche (subtile). Dès lors, chaque fois que je le peux, j'essaie toujours de passer un jour ou deux à Fatima, ou au moins quelques heures, pour renouer avec cette lumière vivifiante et renforcer les liens avec ce qui constituerait un centre de ma pratique spirituelle, la Vierge Marie et Mère de Dieu.

Après les passages et les déceptions sur d'autres voies (voir page biographique), j'ai commencé à redécouvrir que la religion chrétienne détenait aussi de nombreuses "clés" valables pour une pratique spirituelle, en pleine connaissance de cause, et que par ailleurs elle était la plus appropriée aux occidentaux, intégrés depuis leur naissance dans la culture dans laquelle cette religion est née et a évolué. Mais la religion chrétienne a subi plusieurs divisions au cours des siècles, avec les déviations conséquentes par rapport aux principes valables qui l'ont fondée. Et il est vite devenu évident que ces «clés» étaient mieux conservées et conservées dans l'Orthodoxie, restée fidèle à ses origines, au risque d'être à contre-courant de l'évolution sociale et des nouvelles coutumes. Après quelques lectures occasionnelles, j'ai décidé d'enquêter de plus près, car je n'avais jamais eu de contact direct avec l'Orthodoxie ou ses représentants.

Ainsi, en mai 2015, j'ai passé une semaine au petit monastère de S.Silouane, près du Mans, en France, dirigé par le Père Syméon. Un lieu convivial et tranquille, occupé par une communauté mixte, principalement des moniales et 2 moines (en plus du Père Syméon), et par quelques visiteurs. Bien qu'étant catholique et ne pouvant pas communier, j'ai été très bien accueilli et leur mode de vie simple, partagé entre les offices, quelques heures de travail, les repas courts et le recueillement pour la méditation tout seul ou la pratique individuelle, tout cela m'a captivé et m'a conduit à examiner si ce mode de vie ne serait finalement le meilleur pour moi.

En tant que grand centre spirituel de toute l'Orthodoxie, le Mont Athos est comme un bastion où toutes les grandes lignes du christianisme des premiers temps continuent à être respectées et suivies dans la vie quotidienne, depuis plus de 1000 ans. Une vie centrée autour des offices religieux et une pratique continue de la prière, une vie simple sans conforts et distractions inutiles, et une ouverture à tous ceux qui souhaiteraient participer (pour quelques jours) à ce mode de vie. Après avoir écrit quelques lettres (c'est encore le principal moyen de communication, et souvent le seul) au Père Ambroise, de Stavronikita, et au Père Macaire, de Simonopetra, les réponses pour un éventuel baptême n'étaient pas très encourageantes, mais elles ne fermaient pas complètement la porte. "D'abord venez visiter le Mont Athos et ensuite on verra." Ainsi, après beaucoup de travail pour obtenir le visa d'entrée (le diamonitirion), les réservations aux différents monastères (qui n'acceptent pas les séjours de plus de 1 ou 2 jours), j'y suis finalement arrivé au milieu d'Octobre 2015.

Malgré la beauté naturelle de la péninsule, et l'atmosphère intense et de recueillement des monastères, j'ai eu un premier choc négatif lorsque j'ai constaté que le Mont Athos moderne avait peu en commun avec ce qui est rapporté dans les histoires, pourtant pas si lointaines, des moines et pèlerins. Depuis environ 20 ou 30 ans, nous sommes passés d'un Mont Athos où les routes étaient quasi inexistantes et la plupart des trajets étaient faits à pied ou à dos de mulet par des chemins étroits et rugueux (le terrain est très similaire à Madère), où le nombre de visiteurs était très limité, à un endroit fragmenté en tous sens par de larges routes de terre, des jeeps climatisées et des camions lourds, traversé chaque jour par plusieurs centaines de visiteurs, et où la vie dans les monastères doit accomplir dans son propre rythme l'hospitalité, la nourriture et l'hébergement de ces centaines (si ce n'est des milliers) de visiteurs. Et alors qu'avant, chaque voyage d'un monastère à l'autre était difficile et exigeait un certain sacrifice (et de bonnes jambes ...), en accord avec le juste sens d'un pèlerinage, maintenant il suffit de prendre un des nombreux mini-bus (qui sont devenus une entreprise florissante et rentable), et nous ne croisons plus personne quand nous marchons à pied...

Après avoir parcouru plusieurs monastères, Stavronikita, St.Paul, Grigoriou, Iviron, Karakalou, Kelli Bourazeri Saint-Nicolas, l'un des derniers arrêts était Vatopedi. Tous les prêtres, les moines avec lesquels j'ai discuté la possibilité d'être baptisé (et donc recevoir mon « passeport » d'entrée dans l'Orthodoxie) ont été unanimes pour pointer Vatopedi comme le lieu où j'aurais plus de chances, puisque la cérémonie était un peu complexe, et impliquait un certain coût et préparation. Ainsi, comme c'était mon habitude quand j'arrivais dans un monastère, aussitôt  arrivé à Vatopedi, j'ai cherché les moines qui parlaient français ou anglais, pour leur raconter pourquoi j'étais venu. Et la première personne indiquée était le Père Constantin.

Père Constantin, un Français de bonne stature, près de ses 70 ans, m'a accueilli chaleureusement et m'a écouté tout de suite. Et il s'est immédiatement arrangé pour prendre soin de tout afin que je ne parte pas sans être baptisé. Comme l'Higoumène était en voyage, il serait nécessaire de rester plusieurs jours jusqu'à son retour, pour obtenir sa « bénédiction » (sa permission). Et en attendant, j'en profiterais pour me préparer, assister aux offices, lire des livres et m'intégrer un peu plus dans la communauté.

Pendant les 10 jours que j’y suis resté, j’ai donc l'occasion d'assister à deux des célèbres « agrypnies », les nuits de vigile, habituellement effectuée aux jours de fête, où les offices défilent sans interruption toute la nuit, accompagnés des chants, processions dans le temple et une illumination féerique par de centaines de bougies et lampes allumées. Finalement, une fois l'autorisation de l’Higoumène obtenue, le jour tant attendu est arrivé.

Le Père Theonas, un Australien, a conduit la cérémonie dans la chapelle réservée aux baptêmes, accompagné de 1 ou 2 autres moines qui chantaient et l'assistaient, et mon parrain de baptême, un Chypriote, ainsi qu'un membre de sa famille. Au Mont Athos, tous les baptêmes sont faits par immersion complète dans l'eau. En été, il est de coutume de le faire sur la plage au bord de mer, mais comme nous étions en Novembre, la chapelle était plus pratique car il y avait une petite piscine en marbre, vers laquelle nous descendions par un escalier. Après la cérémonie du baptême, suivie immédiatement par la chrismation, je suis passé tout de suite à l'église pour recevoir la 1ère communion orthodoxe, également donnée par Père Theonas.

Je suis resté encore 2 ou 3 jours à Vatopedi, avant mon voyage de retour pour (selon les termes de Père Constantin, et des autres) bien recevoir la venue de l'Esprit Saint. Malheureusement, malgré ce que de nombreux prêtres-moines m'avaient assuré avant le baptême, la transition ne s'est accompagnée d'aucun changement radical ni d'aucune sensation particulière...